Documenter, diffuser et soutenir les producteurs biologiques dans leur mise en marché

Documenter, diffuser et soutenir les producteurs biologiques dans leur mise en marché

Projet Terminé

Domaine(s) d’intervention : Cultures maraîchères, Gestion et mise en marché

Objectif : Faciliter les relations d’affaires entre les producteurs maraîchers biologiques et les différents acheteurs de la filière

Les magasins de détail, supermarchés en premier, sont les principaux lieux d’achats de produits biologiques au Québec. Les légumes biologiques qu’on y trouve sont majoritairement importés, même durant leur période de disponibilité au Québec. Les maraîchers biologiques québécois commercialisent davantage en vente directe ou en circuits courts à l'extérieur de ce réseau. Le manque d’information sur l’accès au marché de la distribution a été identifié comme une des contraintes à l’utilisation de ce circuit. Ce marché de vente en gros (palettes) et semi-gros (caisses) pourrait permettre la spécialisation des producteurs et des gains d’efficacité.

Le CETAB+ a réalisé en 2011 une revue de littérature ainsi qu’une enquête auprès de 37 détaillants et de 5 distributeurs afin d’identifier les besoins et les attentes des principaux acheteurs de légumes biologiques québécois.

L’analyse des résultats a révélé certaines caractéristiques communes à la vente en gros aux distributeurs et à la vente en semi-gros aux supermarchés, aux fruiteries et aux magasins d’aliments naturels, ainsi que certaines caractéristiques distinctives à chacun de ces marchés. Les magasins d’aliments naturels s’approvisionneraient davantage auprès de producteurs québécois (50 % des volumes) que les fruiteries (36 %) et les supermarchés (13 %). Les détaillants disent éprouver des difficultés avec les produits biologiques car les prix sont trop élevés et la demande trop faible, causant des pertes de produits invendus plus importantes que dans les produits conventionnels. Le manque de régularité des approvisionnements est également un irritant évoqué, tandis que le manque de disponibilité des produits et le manque d’espace tablette ont été identifiés par les détaillants comme des facteurs limitant l’achat de produits biologique.

Alors que la qualité des légumes biologiques québécois est généralement jugée satisfaisante, leur prix, ou plus exactement, la prime biologique, constitue la principale contrainte à une plus grande consommation de ces produits. Ceci est corroboré par les répondants de notre enquête et dans la littérature par des sondages auprès des consommateurs.  Par ailleurs, les détaillants manquent d’information sur l’offre des producteurs de leur région (incluant les contraintes inhérentes à la régie biologique) et sur la production biologique en général (ex. les avantages de ce type de production). Il est important pour les distributeurs et les détaillants que les produits soient de qualité constante (propreté, forme, absence de défauts), emballés, de calibre uniforme et étiquetés (certification et code-barres ou code PLU).

Le maraîcher qui veut passer par des détaillants doit accepter des prix moins élevés qu'en vente directe. Un magasin de détail peut prendre une marge de  15 à 50% sur le prix final des produits, tandis que le distributeur ou la maison mère d'une chaîne peut prendre de 10 à 30%. Les intermédiaires permettent cependant de vendre de plus gros volumes à la fois et de réduire les coûts (notamment en temps) de commercialisation.

Pour le producteur maraîcher, plusieurs activités sont essentielles à la mise en marché des légumes biologiques auprès de détaillants ou distributeurs : prospection (recherche de nouveaux clients), représentation (suivi auprès des clients), promotion du produit (publicité, présentoirs, dégustations, web, etc), branding (création de marque de commerce, logos, image du produit), livraison et gestion administrative (facturation).

Ces activités seront très différentes selon le marché que le producteur veut percer. Pour entrer dans une chaîne, un producteur doit contacter l'acheteur de la chaîne responsable des achats de fruits et légumes biologiques. Certaines chaînes (ex : Metro) ont un acheteur qui fait toutes les produits de produits biologiques, d'autres (ex : Sobeys) n'ont pas d'acheteur dédié au biologique et il faut contacter l'acheteur des fruits et légumes. L'acheteur peut être contacté durant l'hiver, avant que le producteur ne prenne ses décisions de production, afin de voir son intérêt envers les produits offerts par le producteur. Pour fournir une chaîne, le producteur doit être référencé (inscrit dans le catalogue des fournisseurs), ce qui implique différents frais et exigences réglementaires. La plupart des chaînes exigent les certifications HACCP et CanadaGAP. De plus, pour faire affaire avec une grande chaîne, il faut s'équiper du système de commerce électronique EDI, qui comporte un coût de quelques centaines de $ par mois. Une fois référencé, le producteur doit contacter l'acheteur ±3 semaines à l'avance pour lui offrir ses produits. Les prix se négocient au cas par cas, à chaque livraison.

Un producteur pourrait vouloir confier ces activités, en totalité ou en partie, à un agent externe, soit pour les rendre plus efficaces en raison d’une meilleure expertise, pour en réduire les coûts ou tout simplement pour simplifier son travail. Si ces besoins ne sont pas actuellement comblés par le marché, plusieurs producteurs éprouvant des besoins similaires ou complémentaires peuvent vouloir mettre leurs ressources en commun pour se donner les services dont ils ont besoins. Plusieurs activités, comme la promotion, ont également avantage à être réalisées de façon collective.

Les regroupements de mise en marché peuvent également être envisagés dans l’optique de développer de nouveaux marchés pour des producteurs qui veulent se spécialiser dans certains produits afin de réduire leurs coûts de production. Le regroupement permettrait de coordonner la production et trouver des débouchés pour les produits, tout en offrant un assortiment de produits aux acheteurs via un même canal, et peut-être d’étendre la disponibilité des produits dans le temps. Les regroupements peuvent prendre divers formes et avoir différents objectifs, selon les besoins  des membres.

Aux États-Unis, de nombreuses organisations font la commercialisation de produits régionaux provenant d’entreprises de petite et moyenne taille, souvent désignés sous le nom de food hubs. Un food hub se distingue d’un simple distributeur régional par ses objectifs de développement durable et son fonctionnement en chaîne de valeur. Ils sont de tailles multiples et peuvent accomplir des fonctions très différentes, autres que la distribution des produits qui est commune à tous. Toutefois, un food hub n’est typiquement pas limité aux produits frais ni aux produits biologiques, leur mission étant orientée vers la promotion de produits régionaux variés. Il est probable que la mise sur pied d’organisations similaires au Québec pour la mise ne marché de légumes bio nécessite de s’associer à des agriculteurs et transformateurs biologiques de différentes productions. La promotion des produits régionaux et durables axée sur la plus-value  est toujours un élément clé du rôle du food hub.

Des producteurs voulant former un regroupement doivent, entre autres, identifier des opportunités (besoins communs, services à couvrir, objectifs), identifier le marché cible et l’environnement compétitif, déterminer un modèle de revenu et établir les conditions d’engagement. Les principaux défis auxquels ils feront face sont notamment la distance entre les producteurs, l’atteinte de consensus entre les membres, des coûts de démarrage importants (temps et argent) et l’accès à l’expertise.

Récemment, des regroupements de producteurs maraîchers (Coop Nord-Bio, CAPÉ, Ail Québec) se sont formés afin de s'outiller collectivement : recherche et développement, promotion collective, services-conseil adaptés et commercialisation collective. Les regroupements peuvent se former par région pour des produits plus larges (Nord-Bio) ou par catégorie de produits, avec une portée géographique plus large (Ail Québec). Les producteurs auraient intérêt à professionnaliser ces regroupements afin de renforcir leur capacité à livrer les services attendus.

Le CETAB+ joue un rôle en favorisant la communication et le maillage au sein des filières biologiques, par exemple grâce au Réseau Bio mis sur pied avec le MAPAQ. Les producteurs sont invités à utiliser ce canal pour rencontrer d'autres producteurs afin d'identifier les problématiques communes et envisager des solutions collectives. Le CETAB+ peut accompagner des initiatives de regroupement et autres organisations de mise en marché. Il serait également pertinent de réaliser davantage d’études et d’analyses  pour comprendre les besoins des marchés et comment mieux les combler, et mieux connaître les structures de production afin d’améliorer le contrôle des coûts et allouer les ressources plus efficacement.

Fiche Synthèse, PSDAB


Publication(s)


Chercheur(s)

Geoffroy Ménard

Agronome

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