Développement d’une méthode de production de terreau de feuilles : un nouvel engrais organique pour les fermes maraîchères biologiques Date de parution : mars 2023 Domaine(s) d’intervention : Cultures maraîchères, Sols et engrais verts Catégorie(s) de publication : 3. Rapports de recherche Ce projet vise à développer une méthode de production d’un engrais organique à base de feuilles caduques, soit un terreau de feuilles. Cet engrais organique, produit par la décomposition fongique de feuilles d’arbres caduques, pourrait être un amendement et une source azotée intéressante pour les producteurs maraîchers biologiques, notamment ceux ayant des sols avec des problèmes de saturation en phosphore restreignant leur utilisation de compost et fumier animal. Obtenu après une décomposition passive (non compostée) de deux saisons, ce matériau est utilisé traditionnellement dans la composition de terreaux et pour amender les sols chez les jardiniers en Angleterre où on le nomme « leaf mold ». Délaissé en Amérique du Nord depuis la commercialisation de la mousse de tourbe, il était utilisé dès les débuts du Jardin Botanique de Montréal. Ce matériau pourrait être une source fertilisante potentiellement intéressante pour les producteurs maraîchers et biologiques, car il possède un taux de N et un rapport C/N semblable à celui d’un compost, mais un taux de phosphore jusqu’à trois fois moins élevé. De plus, sa production ne nécessite qu’un équipement minimal et coûte donc beaucoup moins cher à produire que du compost. Des essais préliminaires effectués au CETAB+ en 2020 ont démontré la possibilité d'obtenir, en intensifiant l'arrosage, un matériau utilisable après seulement une saison de décomposition passive. Notre projet visait donc à valider ces résultats en contexte plus contrôlé et à tester d'autres paramètres ayant le potentiel d'accélérer la production du terreau ou d'optimiser la composition chimique finale de celui-ci. Le projet étant de nature exploratoire, aucune répétition des traitements n’a été réalisée et il faut donc interpréter les résultats avec prudence. Il semble néanmoins que le broyage des feuilles et l’ajout d’N aient eu un effet sur la décomposition ainsi que la composition chimique des terreaux, contrairement à l’arrosage qui a eu peu d’effet détectable dans le cadre de ce projet. Deux stratégies semblent donc prometteuses pour la production de terreau de feuilles : la production en mode compostage pour une production accélérée sur un été et la production de terreau sans ajout d’N requérant un minimum de 2 ans de production. La production de terreau avec compostage semble une avenue intéressante pour les producteurs ayant accès idéalement à des feuilles broyées ainsi qu’à un épandeur. Bien que nécessitant plus de manutention, cette méthode a permis d’obtenir lors des deux années d’essai un rapport C/N égal ou supérieur à 20 la première année, puis en deça de 15 la deuxième année. Lors de l’utilisation au sol du compost, on considère que les matériaux à C/N supérieur à 20 minéralisent peu de N, et que ceux à rapports C/N plus bas minéralisent plus. Mais on sait qu’en général les composts végétaux minéralisent plus lentement que les fumiers compostés. La teneur en N, bien que variable, était d’environ 4 kg/t sur base humide la première année, puis entre 5 et 8 la deuxième, ce qui est passablement élevé. Les teneurs en phosphore étaient faibles jusqu’au dernier échantillonnage, soit entre 0,9 et 1,4 kg/t sur base sèche, ou en deçà de 0,4 kg/t sur base humide. Les teneurs en potassium étaient assez variables, soit entre 1 et 4 kg/t sur base sèche (0,5 à 1,5 kg/t sur base humide). Notez que lors du calcul des doses fertilisantes, il faut convertir le P en P2O5 et le K en K2O. Considérant le contenu N-P-K, il serait intéressant de valider en champ le potentiel d’un terreau de feuilles produit en mode compostage avec ajout d’N comme amendement fertilisant. La production de terreau en mode passif sans ajout d’N est aussi une avenue intéressante, car elle nécessite moins d’intrants, d’équipement et de temps de travail. Une production avec cette méthode permet d’obtenir un terreau final avec un rapport C/N entre 20 et 45, 1,5 à 4 kg/t d’N, 0,3 kg/t de P et 0,1 à 0,4 kg/t de K sur base humide. Cet amendement a moins d’intérêt si utilisé comme fertilisant, mais sa faible teneur en phosphore confirme la possibilité de l’utiliser pour améliorer la matière organique d’un sol à teneur élevée en P où l’usage de fumier composté est restreint pour des raisons réglementaires. De plus, il serait intéressant d’évaluer son potentiel comme substitut de la tourbe dans la production de substrat de culture, entre autres pour les transplants. Certains agriculteurs utilisent déjà le terreau de feuilles à cet effet, avec un certain succès, mais peu d’information est disponible sur ce mode d’utilisation. La production en mode passive sur deux ans présente toutefois un risque que les andains laissés en place au sol soient colonisés par du chiendent ou d’autres mauvaises herbes vivaces présentes sur le site. Ce risque est moindre lors d’un compostage de 4 ou 5 mois. Télécharger la publication Chercheur(s) Stéphanie Duranceau Agronome M.Sc Voir la fiche Charlotte Giard-Laliberté Agronome, M.Sc. Voir la fiche Denis La France Expert en agriculture biologique Voir la fiche PartagezFacebookTwitter